Balades, carnets de voyages, coups de coeur...

Bienvenue sur mon blog

Les photos et les textes publiés sur ce blog ne sont pas libres de droits.
Utilisation et reproduction interdites sans autorisation écrite de l'auteur.

mardi 19 juillet 2011

2005 : le grand retour en Algérie (suite 6)

Dimanche 24 avril 2005 (suite) - Enfin, nous avons quartier libre…

Je suis pris en charge par Salah M. et l’inévitable homme de la sécurité. Ils ont pour consigne de me conduire où je veux. J’en profite pour retourner dans les quartiers qui ont marqué ma jeunesse. En descendant en ville, je leur demande de m’arrêter au faubourg Saint-Charles, pour faire quelques photos. Salah m’emmène ensuite chez lui. Il habite au n°5 de l’Avenue Jean Mermoz (aujourd’hui rue Ouarti Abderrahmane), dans l’ancienne propriété des frères Jean et Pierre M., là où nous étions nous-mêmes locataires jusqu’en 1962 (en face du nouveau marché couvert). Je pense que c’est pour cette raison qu’il s’est proposé de me servir de guide. Salah occupe l'un des appartements du premier étage, juste au-dessus du nôtre. Au-dessus de la grille d’entrée subsiste encore la plaque de marbre gravée "Villa Suzanne". 
Accueil chaleureux de son épouse, enseignante (Salah est directeur de banque). Demain, je serai reçu par les locataires du rez-de-chaussée.


Je me rends ensuite dans l’ancienne Rue Jules Ferry. J'y suis né, au n°11. A l’intérieur, je suis reçu par deux vieilles dames, dont une centenaire, qui assurent très bien se souvenir d’Éliane, ma mère. Dans le même quartier, je rencontre un ami d’enfance de Jean-Pierre C., Abdelkader A., qui me demande de tout faire pour le mettre en relation avec son ami. Cette anecdote est un exemple parmi tant d'autres de cette soif de retrouvailles...

Et puis, nous voilà Rue Victor Hugo, aujourd’hui Rue de l’ALN. Cette première descente à pied de l’ancienne place du Monument aux Morts vers la place Thagaste, fut un vrai délice. J’étais emporté dans un tourbillon, totalement immergé dans les odeurs, les cris de la rue, les bruits d’une circulation dense et anarchique. Et partout, autour de moi, les visages avenants des habitants qui comprenaient que j’étais du pays, qui prenaient plaisir à engager la conversation, à me souhaiter la bienvenue, à m’interroger sur ma famille. J’avais même l’impression de lire des mots de bienvenue dans l’invisible de la pensée de ceux qui ne parlaient pas et me regardaient comme une bête curieuse.


Mythique à plus d’un titre pour tous les anciens Souk-Ahrassiens, la rue Victor Hugo était un lieu de rencontre et de convivialité. Aujourd’hui, les magasins existent encore, dans la même succession qu’avant l’Indépendance. En les revoyant, chaque porte d’immeuble, chaque devanture prend une identité particulière, auréolée d’un passé tissé d’intimité et de sentiments. Le Lion d’Or, qui n’est plus un magasin de tissus mais un café ; l'ancien café de Michel N. qui a gardé sa vocation de rendez-vous des footballeurs ; le Gagne-Petit le salon de coiffure de Jeannot R., aujourd’hui boutique de sport tenu par un ancien footballeur de l’ESSA (L’Entente Sportive Souk-Ahrassienne)… L'ESSA : je pourrais en parler pendant des heures de cette équipe de football ! de ses "Diables rouges" de talent qui faisaient trembler les plus grandes formations de l'Est algérien et qui nous ont procuré d'inoubliables moments d'émotion !

Devant l’ancien magasin de M. Bartolo, l’espace de quelques secondes, j’ai eu 7 ou 8 ans, revoyant en vitrine le petit camion de pompiers Renault que le Père Noël avait fini par m’apporter… On vendait de tout chez Bartolo, de la casserole en alu au bibelot et à la déco ringarde, en passant pas les sacs de billes agate et les élastiques carrés pour nos tawats (lance-pierres de fabrication maison). Le magasin Bartolo était une vraie Samaritaine petit format, à la mesure de Souk-Ahras. D’ailleurs, maintenant que j’y repense, l’enseigne ne s’appelait-elle pas pompeusement « Le Bazar du Globe » ? Oui on trouvait vraiment de tout chez Bartolo, mais parmi la multitude d’articles hétéroclites, il y avait surtout ce petit camion de pompier, rouge feu, qui me fascinait, et que j’admirais tous les jours, à l’approche de Noël, en priant le Ciel pour le trouver au pied du sapin. Non seulement le Père Noël a exaucé mon vœu mais ce jouet est l’un des rares objets de mon enfance que j’ai ramenés dans mes modestes bagages, quand nous avons quitté l’Algérie, en 1962. Et aujourd’hui, à l’heure où j’écris ces lignes, il est là devant moi, sur un coin de mon bureau.
Avec le temps, dans la Rue Victor Hugo ou ailleurs dans les autres quartiers de la ville, beaucoup de commerces ont changé de vocation, d’autres subsistent encore, souvent tenus par les descendants de ceux que nous avons connus. Chacun de nous se souvient par exemple de la librairie papeterie Bousdira, là où nous achetions nos livres et nos cahiers d'écoliers, nos crayons et nos plumes Sergent Major, où nos parents prenaient chaque jour leurs journaux, comme la Dépêche de Constantine, l'Avenir de Souk-Ahras ou Souk-Ahras Républicain. Cette librairie est toujours à la même place, et entre les mains de la même famille. J’y ai même vu, en exposition sur les rayons, des boîtes de jouets des années 50, invendus, et conservés aujourd’hui comme des reliques.


Quant à la Place Thagaste, avec ses cafés et ses commerces tout autour, elle est toujours aussi belle et aussi animée. De part de d’autre du kiosque à musique ont été installés les lions de la Basilique Saint-Augustin (qui n’existe plus aujourd’hui, une immense mosquée ayant pris sa place). A travers le feuillage des platanes majestueux, j’ai aperçu l’enseigne de l’Hôtel d’Orient, sans savoir exactement si l’établissement fait toujours fonction d’hôtel. Quant au Café de Marseille, il s’appelle aujourd’hui Café d’Alger, et l’apéro que nous y avons pris ce soir-là avait des saveurs de Café des Délices !


à suivre...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire